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La neuro-éducation, soit la combinaison entre les  sciences cognitives et éducatives, n’est pas nouvelle. Elle est officiellement reconnue par l’OCDE depuis 2007. « Comprendre le cerveau peut indiquer de nouvelles voies de recherche et améliorer politiques et pratiques éducatives », assure l’OCDE dans son rapport.

Quatre « piliers » cérébraux de l’apprentissage ont été identifiés par Stanislas Dehaene, psychologue cognitif, neuroscientifique et professeur au Collège de France et au pôle de recherche NeuroSpin, à Saclay (la majorité de cet article est tiré d’une de ses conférences) :  

  • l’attention : il est primordial de la canaliser. 
  • l’engagement actif, en lien avec les émotions : un cerveau passif n’apprend rien. 
  • l’erreur et le retour d’information (feedback) : se tromper est indispensable pour progresser.  
  • la consolidation : plus une connexion synaptique est sollicitée, plus elle se renforce (répétition) ; le repos permet de mieux fixer les acquis car, pendant le sommeil, le cerveau « met en ordre » les nouveautés qu’il a enregistrées.

L’attention

Rappel : trois réseaux fonctionnels interviennent dans différentes fonctions associées à l’attention, principalement :  

  • les fonctions d’alerte (maintien d’un état de grande sensibilité aux stimuli entrants)
  • les fonctions d’orientation (sélection des informations venant des systèmes sensoriels)
  • les fonctions de contrôle de l’exécution (mécanismes de suivi et de résolution des conflits entre les pensées, les émotions et les réponses) (Posner et al., 2011).  

Schéma des composantes de la mémoire, repris et traduit de Mayer et Moreno (2007)

Résister aux sources de distraction, de plus en plus nombreuses. 

Dans une étude de l’Université Irvine en Californie, les chercheurs ont suivi des travailleurs dans leur travail, étudiant leur productivité. Ils ont mesuré qu’une fois interrompu, il faut en moyenne 23 minutes et 15 secondes pour revenir à la tâche en cours. 

De plus, notre capacité de concentration baisse de 30% au bout de 25 minute et au-delà de 90 minutes, le cerveau se fatigue et se disperse. 

Enfin, il est intéressant de noter que le début et la fin d’une expérience sont plus mémorables que le milieu. L’être humain présente en effet à la fois un biais de primauté et un biais de récence, c’est-à-dire qu’il accorde plus d’attention à ce qui se passe au début et à la fin d’une expérience et qu’il s’en souvient mieux.

Les leçons courtes et ciblées ont des débuts et des fins plus mémorables qu’un seul et long événement au cours duquel le même matériel est présenté d’un seul coup.

La mémoire de travail, qui sert à garder à l’esprit de manière temporaire des informations nécessaires, comme une consigne de l’enseignant, est limitée en durée et en capacité.  

Les gens apprennent en reliant les nouvelles informations de leur mémoire de travail à ce qu’ils savent déjà. Les informations stockées dans la mémoire de travail et non répétées sont perdues en 30 secondes, et la capacité de la mémoire de travail est limitée à un petit nombre d’éléments (entre 4 et 7), parfois appelés « chunks ». 

Les liens entre ces informations sont multi-médias : les gens apprennent plus profondément des mots et des images ensemble, plutôt que des mots seuls.

L’engagement : motivation et émotions

La motivation intrinsèque mène à un meilleur apprentissage.

Les apprenants motivés accordent plus d’attention et d’efforts à l’apprentissage lorsqu’ils sont intrinsèquement motivés à apprendre, plutôt que motivés de l’extérieur par des récompenses (p. ex. des points pour terminer un cours).

De plus, on sait que les émotions jouent un rôle important dans l’ensemble des processus de traitement des données par le cerveau (Damasio, 2001). Les recherches en neurosciences cognitives mettent en évidence qu’il n’y a pas de dichotomie entre émotion et rationalité.

D’autres travaux ont montré que le recours d’un individu à une logique déductive (rationnelle, sans implication personnelle ou sociale) fait appel à une zone du cerveau (zone préfrontale ventromédiale droite) impliquée dans les émotions et les sentiments (Houdé et al., 2001).

L’erreur dans le processus d’apprentissage

Des études scientifiques montrent que le nombre de tests via des exercices compte plus dans la mémorisation que le nombre d’heures passées à étudier. 

De plus, le feed-back immédiat est préconisé : recevoir un retour d’information immédiat sur l’action en cours est constitutif de l’apprentissage. Plus le retour est proche dans le temps de l’erreur, plus l’action corrective sera efficace et intégrée de manière pérenne.

Consolidation : répétition et repos

L’automatisation des connaissances est essentielle. L’automatisation est le fait de passer d’un traitement conscient, avec effort à un traitement automatisé, inconscient.

Lors d’un nouvel apprentissage, notre cerveau a recours à un traitement explicite, c’est-à-dire un stade où le cortex préfrontal est fortement mobilisé par l’attention.

Le point culminant d’un apprentissage est le “transfert de l’explicite vers l’implicite” : c’est l’automatisation des connaissances et procédures. Cette automatisation passe par la répétition et l’entrainement. Elle permet de libérer de l’espace dans le cortex préfrontal afin d’absorber de nouveaux apprentissages.

L’apprentissage espacé découle de l’une des plus anciennes découvertes de la science de l’apprentissage : les nouvelles connaissances et compétences peuvent rapidement s’estomper si elles ne sont pas examinées consciemment.

Une méta-analyse de 254 études a révélé que l’espacement de l’apprentissage et de la pratique au fil des semaines ou des mois mène à un rappel et une rétention optimaux

.Ainsi, pour mémoriser une information nouvellement acquise, notre cerveau aurait besoin de trois passages au minimum. Pour intégrer une nouvelle habitude, il aurait besoin de 21 jours (…).

Le Repos :

Chez l’animal, comme chez l’homme, on observe une augmentation de la quantité de sommeil durant la période ou la nuit qui suit un apprentissage, et le sommeil améliore les performances mnésiques. À l’inverse, la privation de sommeil altère l’acquisition de nouveaux apprentissages.

L’importance du sommeil dans la mémoire a été montrée en neuro-imagerie fonctionnelle chez l’homme (Maquet, 2000). Les observations permettent d’identifier deux zones d’activation significative pendant la tâche d’apprentissage (hippocampe et cortex). Durant la période de sommeil suivant cet apprentissage, ces mêmes zones sont réactivées. Ces zones seraient donc responsables de la consolidation mnésique.

 Stanislas Dehaene insiste sur le rôle joué par le sommeil dans cette phase de répétition et de consolidation. Il affirme qu’après une période d’apprentissage, une période de sommeil, même courte, améliore :

  • la mémoire
  • la généralisation
  • la découverte de régularités

Le monde de l’EdTech (Technologies de l’Education) fourmille d’applications issues de ces constats.L’une nous semble particulièrement intéressante par son format : le micro-learning.